"Trois mouvemements d'idées notamment ont contribué à façonner les valeurs propres aux sociétés occidentales au cours du XI° siècle : la Paix de Dieu, le pèlerinage, la conquête. La Paix de dieu des années 980-1025, ainsi que son substitut historique de la Trêve de Dieu, avait pour but naturel d'endiguer la violence générée par le groupe des spécialistes de la guerre. Quoi qu'on en dise, elle a vivement aidé à la formation d'une éthique chevaleresque. Elle semble avoir aussi favorisé le pèlerinage, qui bouillonne d'activité depuis le tournant de l'an mil. Elle peut aussi avoir fécondé la conquête, que les pèlerins et les voyageurs signalent comme une possibilité nouvelle au retour de leurs explorations (...).
Or ces trois mouvements s'alimentent chacun et tous trois de deux grands thèmes de la Réforme ecclésisastique, telle qu'elle est formulée depuis la fin des années 1040. (...) Purification et imitation."(1)
La Purification réformative engagée par l'autorité ecclésiastique d'Occident vise à combattre trois perversions :
"Libido sexus" concerne la sexualité coupée de sa finalité au sein de la société traditionnelle du Moyen-Âge;
"Libido divitarum" concerne la thésaurisation en vue d'un enrichissement personnel qu'il soit commerçant ou religieux;
"Libido dominandi" concerne la libération spirituelle religieuse du pouvoir temporel et de ses contingences. Nous pouvons voir dans ce dernier point les prémices d'une laïcisation future de la société, mais encore embryonnaire. Le "monde profane" est moins coupable de la séparation d'avec le sacré que la sphère religieuse elle-même. Les clefs d'or et d'argent de St Pierre commencent à s'éloigner l'une de l'autre.
Imitation enfin, du Christ nu. "C'était l'ambition des saints ermites, de ces adorateurs d'un Dieu jaloux et sans partage, de ces veri israelitae que mentionnent en abondance les documents des X° et XI° siècles", et qui sont ceux "qui voient Dieu", les véritables contemplatifs dont la cohorte ne s'identifie pas toujours à celle des moines. (...)
Pourquoi l'imitation ? Parce que l'homme a besoin de médiations dans son périple entre le profane et le sacré (...).
Le christianisme latin demeurait obstinément réticent à l'égard de l'incarnation du divin dans l'humain, et vis-à-vis du corollaire théologique de la divinisation de l'humain : ne croyons pas que la pensée du Pseudo-Denys, les fabrications savantes de Maxime le Confesseur aient touché plus qu'une poignée de moines intellectuels, à Auxerre au milieu du IX° siècle, à Cluny dans la première moitié du XI°. (...)"(2)
Les inspirations des pères de l'Eglise traversent les ans tantôt éclipsées, tantôt exhumées. Quelles pépites restent à découvrir pour vivifier la théologie actuelle ?
A lire de François VARILLON, "joie de croire, joie de vivre". La divinisation de l'Homme est l'incarnation : "Car le Fils de Dieu s’est fait homme pour nous faire Dieu" (S. Athanase, inc. 54, 3 : PG 25, 192B)."
(1) et (2) Extraits de l'ouvrage : LOBRICHON Guy, La Bible au Moyen Age, collection les médiévistes français, Editions Picard, 2003, 247 p.
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