"Ecrit entre Rome et Bari, sur les routes, repris et achevé entre jungle et glacier sur l'Himalaya en cette nuit de Noël 1937."
Ainsi finit "Principes et préceptes du retour à l'évidence", qui figure parmi la poignée de livres que je préfererais emmener sur une île déserte en lieu et place de quelques objets qui pourraient cependant améliorer ma condition matérielle.
Lanza Del Vasto, pèlerin ascensionnel de son état, disciple de Gandhi jusqu'à l'application en Europe de la lutte non-violente fut le père d'une communauté priante et laborieuse dans le sud de la France. Ce poète, philosphe, ascète, artiste écrivit ses mémoires de pèlerin ("Le pèlerinage aux sources", "Vinoba ou le nouveau pèlerinage"), des commentaires de textes religieux, des poésies, des essais...)
"Principes et préceptes du retour à l'évidence" est constitué de courtes pensées sur la vie errante, l'ascèse, les ressorts d'une vie intérieure active, les plaisirs, la souffrance, la mort, l'amour... Des thèmes qui nous touchent.
L'extrait ci-dessous parle de l'amour. Des qualités de l'amour, des nécessités de son dépouillement, du viril courage qu'il faut pour le vivre sans obliger l'autre; A l'opposé d'un sentiment dégoulinant de mièvrerie, trop souvent porté au pinacle de la vie spirituelle.
(...)
L'amour, l'amour, hérisse-toi contre l'indécence de ce mot.
Ne parle pas d'amour à tout propos, n'en discute pas d'un ton de compétence, garde-toi des sublimes abandons poétiques au sujet de l'amour, de peur d'entrer de plain-pied dans l'obscène.
Sache que tu ne sais pas aimer et reste au moins pudique.
Comment aimerais-tu quelque autre si tu ne sais t'aimer toi-même ?
Comment t'aimerais-tu toi-même, qui ne t'es jamais rencontré, ni vu, qui ne sais attacher ton regard sur toi et sur la nudité de ton essence pendant cinq minutes seulement ?
Tu ne sais pas aimer, car pour donner il faut avoir. Qu'as-tu donc à donner, sinon ton désordre et ton néant ?
Tu ne sais pas aimer, tu ne sais que fuir par le biais d'autrui. Tu ne sais que couler selon ton penchant, glisser dans ton plaisir, dérouler la chaîne des gestes mécaniques et connus.
Laisse là ces fadaises et ces baisers baveux.
Apprends à aimer non parce que ton coeur incontinent déborde, mais pour répondre au commandement de Dieu.
Apprends la charité virile qui possède des paroles sévères pour ceux qui t'aiment, sereines pour ceux qui te combattent, chaudes pour ceux qui faiblissent, fortes pour ceux qui souffrent, claires pour les aveugles, écrasantes pour les orgueilleux, un seau d'eau et un bâton pour ceux qui dorment.
L'amour qui demande et qui pleure, tue-le;
L'amour qui étreint et qui force, tue-le.
Apprends l'amour qui n'attend rien du monde mais rayonne de par sa vertu propre, l'amour qui insuffle force à la personne aimée, et l'amène à la délivrance. (...)
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